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Meccano et les Grues Géantes pour pose de Blocs de Béton

1928… C’est une grande année pour Frank Hornby et le Meccano.

La période "Vert et Rouge", qui a débuté depuis plus d’un an, est déjà un succès. De nombreuses pièces nouvelles viennent d’être introduites, plusieurs moteurs mécaniques et électriques complètent les boîtes et un très grand roulement à galets de 12" vendu séparément, va permettre la construction de grues géantes.

 

La notice du super modèle N°4, également vendu à part pour Frs. 3.00 présente une Grue Géante Pour Soulever les Blocs de Ciment. C’est le plus grand modèle Meccano à ce jour, la boîte N°7 pourtant très complète ne suffit pas pour le réalise. Il faut douze pages d’explications détaillées pour en expliquer la construction. Et évidemment le nouveau roulement à galets est à l’honneur. Le prototype de cette grue, a sans doute été réalisée dès le début des années 20, peut être monté avec un prototype du roulement à galets, ou alors en utilisant 16 segments en U N°119 à la place.

 

           

 

Ce modèle a tellement marqué les meccanophiles, que "Grue N°4", par la suite servira à désigner d’autres grues Meccano du même type. Et pourtant il est vite dépassé… La même année, en Mai est édité "Le Livre des Nouveaux Modèles » avec en page de couverture une grue analogue avec une flèche 1/3 plus longue, sans doute construite en 1926. En l’absence de notice pour la construire, elle sera baptisée Grue N°4 comme sa petite sœur. Puis en Octobre de la même année, sort en Angleterre "The Book of Engineering" et simultanément en France, sa traduction : " Les Merveilles du Génie Civil". Ce livre de 44 pages, consacre 7 pages à ces grues géantes.

 

               

 

Ce livre est largement distribué dans tous les magasins portant l’enseigne Meccano. Ce ne sont pas seulement les magasins de jouets : à cette époque, le Meccano est distribué un peu partout : Nouvelles-Galeries, opticiens, quincailleries, bazars, buralistes, librairies etc…

Ce livre de 48 pages, traite à la fois des grandes réalisations architecturales de l’homme et des techniques d’ingénierie qui les ont permises. Après un bref aperçu des grandes constructions de l’antiquité, on aborde les grandes constructions modernes et à partir de là, le Meccano est à l’honneur car il permet de reproduire aussi bien certaines constructions métalliques que les engins mécaniques qui ont aidé à les réaliser.

Les chapitres s’enchaînent de la façon suivante :

                 La plus Grande Construction du Monde : la Tour Eiffel

                 Histoire du pont de Québec

                 L’Excavation Mécanique : La Drague Excavatrice

                 Comment l’Ingénieur a vaincu la Mer (Les grues géantes)

On termine par un chapitre de conclusion : Le Génie Civil de l’Avenir. Ce chapitre est plus proche de la Science-Fiction que de la réalité que nous connaissons. Les seize dernières pages sont consacrées à un survol publicitaire des boîtes et accessoires Meccano.

Le chapitre qui nous intéresse particulièrement est Comment l’Ingénieur a vaincu la Mer. C’est dans ce chapitre que sont présentées les grues géantes pour la pose de blocs de béton qui en ce début de siècle ont contribué à construire les grands ports modernes.  

Les illustrations de " Les Merveilles du Génie Civil", monochrome sur papier glacé crème, sont magnifiques ; elles placent les deux géantes Meccano face à leurs homologues dans le monde. Un texte détaillé explique le principe et l’intérêt de ces grues pour les constructions maritimes.

 

 

Au 19ième siècle, la grande expansion des transports par mer, due à l’invention des bateaux à vapeur, a nécessité l’établissement de ports capables d’abriter des navires de fort tonnage. La construction de jetées a longtemps été faite en déversant et en empilant des roches brutes dans la mer, mais l’invention du ciment de Portland par Joseph Aspdin en 1811 (brevet de 1824) a permis de construire des blocs de béton de plusieurs dizaines de tonnes, pouvant être immergés pour construire une jetée régulière.

La pose de ces blocs nécessitait la construction de grues très particulières, elles devaient posséder les caractéristiques suivantes :

          Avoir une flèche très longue équipée de rails supportant un chariot.

          Le chariot doit être muni d’un système de levage pour des blocs de près de 50 tonnes.

          Pouvoir pivoter sur au moins 180°.

          Pouvoir se déplacer sur des rails posés au fur et à mesure de l’avancée de la jetée.

          Disposer d’une machinerie à vapeur autonome permettant de réaliser ces mouvements.

Ces grues géantes ont été nombreuses à la fin du 19ième siècle. La machinerie à vapeur était disposée à l’arrière du bras et servait de contrepoids pour équilibrer les charges du chariot à l’avant. Des trains entiers de charbon venaient l’alimenter sans interruption. Il faut imaginer tout un système annexe permettant de monter l’eau et le charbon jusqu’à la machinerie.

 

    

 

    

 

Parmi les grues présentées dans ce chapitre, nous avons celle de l’extension du port de Madras aux Indes entre 1905 et 1919, puis celles des travaux de Table Bay et autres ports d’Afrique du Sud, et enfin la grue Titan qui contribua entre 1895 et 1902 à l’élaboration de la jetée du port de Veracruz.

 

          

 

En 1936, le Meccano Magazine de Décembre reprend, en couverture l’une des illustrations précédentes.

La partie la plus délicate de ces géantes étaient le plateau qui assurait la rotation de la flèche. Ce plateau devait supporter un poids considérable : le bras, le chariot mobile, la machinerie et la charge de béton. Il devait tourner librement et rester parfaitement stable.

Un autre problème majeur était de transmettre la force motrice, de la machinerie au roues situées à la base du socle pour faire déplacer la grue sur ses rails.

Tous ces problèmes ont dû aussi être résolus par les concepteurs des modèles Meccano qui ont tenté de reproduire au plus près ces grues exceptionnelles.

La grue N°4 utilise le nouveau roulement à galet N°167 introduit en 1928. Ce roulement est composé de deux grands chemins de roulement de 12" avec denture (192 dents) N°167a, d’une couronne N°167b portant les galets (roues à boudin de 19mm N°20b) et d’un pignon d’attaque de 16 dents N° 167c.

 

 

Cet ensemble ne suffit pas pour sa grande sœur, celle qui a servi de modèle à la grue Hachette. La flèche est plus longue avec un porte à faux plus important, elle est donc beaucoup plus lourde. Il fallait un système de roulement plus performant. L’idée a été de coupler le grand roulement à galet N°167 avec un double jeu de segment en U N°119. Chaque plateau denté N°167a porte un anneau formé par huit segments en U. Entre les deux chemins de roulement ainsi construits, une couronne N°167b porte seize poulies folles de 13mm N°23 à la place des roues à boudin N°20b. Le système de roulement ainsi construit est beaucoup plus résistant que celui de la grue N°4. Le grand plus de la grue Hachette est d’avoir assemblé les huit segments en U pour constituer une nouvelle pièce Meccano N°119a. Le roulement ainsi obtenu est encore plus rigide et assure une grande stabilité lors du pivotement de la flèche.

 

En comparant les deux grues Meccano avec de véritables grues géantes, on constate à quel point ces modèles sont réalistes, aussi bien le modèle à flèche longue que le modèle N°4 à flèche plus courtes. Les socles des deux modèles sont par ailleurs très voisins. Une pignonnerie très complexe, très proche de celle des véritables grues, complète le réalisme étonnant de ces deux Super-Modèles.

 

 

La dernière page est consacrée au mécanisme permettant la saisie et la pose des blocs de béton. Le système des engrenages Fidler y est longuement détaillé. Une clé permet à un ouvrier de tourner la vis sans fin qui actionne le pignon jusqu’à positionner avec précision le bloc de béton. La même clé permet de tourner les barres d’ancrage (barres de Lewis) afin de les verrouiller ou de les déverrouiller dans le bloc de béton. Les blocs de bétons sont percés de deux trous rectangulaires sur toute leur hauteur afin de permettre l’introduction des barres de Lewis en forme de T. En tournant ses barres de 90°, on verrouille le T sous le bloc.

 

 

Par la suite, la plus longue de ces deux grues restera l’un des emblèmes phare de Meccano et se retrouvera jusqu’en 1960, tant en Angleterre qu’en France, sur les couvertures de nombreux manuels et même sur des étiquettes de boîtes, avec, comme toujours, un ou deux jeunes garçons pour la mettre en valeur.

Il y a d’abord les livres des nouveaux modèles de 1929 et 1930 qui conserveront la même couverture avec une nouvelle couleur chaque année. Puis de 1934 à 1937, pendant la période alphabétique, l’ensemble des manuels d’instruction, de diverses couleurs, présente, en couverture, le Petit Meccano debout derrière cette grande grue. On remarque, qu’il y a toujours un médaillon montrant une grue réelle pour comparaison ; en fait c’est l’une des illustrations de " Les Merveilles du Génie Civil" qui est reprise.

Par la suite, à partir de 1945, Meccano-Binns Road reprend cette illustration pour ses manuels beaucoup plus allongés. Elle sera utilisée jusqu’en 1953.

 

               

 

En même temps, de 1948 à 1953, une autre couverture sera utilisée pour les manuels en Angleterre. C’est rare chez Meccano d’utiliser conjointement deux types d’illustrations.

Celle-ci semble avoir été réservée aux manuels de boîtes principales et la précédente pour les boîtes complémentaires à partir de 1948.

Afin de relancer Meccano sur le marché dans l’après la guerre, Meccano Ltd, en 1948, charge un artiste connu, W. H. Pinyon de concevoir une couverture de manuel attractive. Le modèle retenu par Pinyon n’est pas le Super Modèle N°4 mais le modèle plus long qui a déjà été utilisé sur les manuels des années 1934 à 1937. Pinyon part de l’illustrations originale de la grue géante pour pose de blocs de béton, celle de 1928, il inverse le sens de la grue et redessine presque entièrement la structure pour l’adapter aux couleurs "Vert et Rouge" à nouveau à l’honneur en Angleterre. Il complète artistiquement la couverture par des personnages souriants et visiblement passionnés par leur construction : deux jeunes garçons avec de leur père. La grue est en construction et le système de levage non encore posé permet une totale visibilité des personnages. C’est la même illustration qui sera reprise, quelques années plus tard, en France, pour le début du "Bleu et Or".

W. H. Pinyon ayant redonné une nouvelle vie à cette grue, sans nom jusqu’alors, par la suite elle est parfois nommée : "Grue Pinyon"…

 

 

En 1954, Meccano change de look. En France débute la période "Bleu et Or" et à cette occasion, les manuels et les boîtes changent de présentation. Le manuel est plus court, plus large et la grue géante est reprise, encore en position inversée, en couleurs "bleu et or", avec deux jeunes garçons. Le mot Meccano sert de support à cet ensemble. La même illustration est reprise pour les étiquettes de boîtes principales. A Liverpool, à la même période, une illustration analogue est utilisée, mais seulement pour les étiquettes de boîtes principales. En Angleterre, c’est toujours la période "Rouge et Vert", d’où l’utilisation de ces couleurs pour la grue, et évidemment les jeunes garçons sont habillés à la mode anglaise ; pour le reste, la disposition est identique à l’illustration française. 

 

           

 

Et c’est cette grue Mystique, qui a fait rêver deux générations de meccanophiles, que Hachette nous a proposé…

 

      

 

 A la demande de nombreux jeunes constructeurs, Meccano a cherché à intégrer dans ses notices, une grue géante analogue au super-modèle N°4, qui puisse être réalisée avec la plus grosse boîte qui, depuis 1937, est le coffret N°10. Dans le manuel 9/10 de 1937, une grue de ce type est présentée dans les pages 99 à 101. Les explications sont détaillées et elle est effectivement réalisable avec les pièces d’un coffret N°10 de cette période "Bleu-quadrillée et Or". Le moteur électrique E20 (20 volts) utilisé dans cette construction, est contenu dans cette boîte N°10. C’est de loin la plus longue de ces grues géantes : 76", soit 193 cm, mais tout est dans le paraître, la longueur est due à la cabine du mécanisme, démesurément longue pour servir de contrepoids. Par ailleurs, ce mécanisme est bien décevant, pas d’entrainement pour la base de la grue et un roulement à galet réduit à sa plus simple expression (4 roues à boudin). On est bien loin des grandes grues de 1928.

 

     

 

Après la guerre, en France, il faudra attendre 1954 avec la période "Bleu et Or", pour qu’un nouveau coffret N°10 soit proposé aux jeunes Meccano. A cette occasion, une pochette rouge, avec Meccano écrit en lettres or, contenant 15 super-modèles accompagne le coffret. Parmi eux, la notice N°5 de 6 pages propose une nouvelle grue géante, différente de la précédente mais toujours réalisable avec les pièces de la boîte N°10. Le nouveau moteur français de 110 volts, assure le fonctionnement des mécanismes.

Curieusement, le moteur n’est plus fourni dans le coffret N°10.

Cette grue est presque de la même dimension que son aînée, la grue N°4 de 1928, mais la comparaison s’arrête là. Un habillage squelettique et un mécanisme un peu léger, empêchent ce modèle d’avoir le même succès que celui de 1928. L’entraînement par chaîne des roues de la base est incompatible avec la réalité et très loin du véritable mécanisme d’entraînement utilisé dans la grue N°4 et dans la grue Hachette. Le plateau de roulement à galet est trop petit : huit galets seulement. Le palan est insuffisant pour de si grosses charges.

Il reste malgré tout beaucoup plus performant et complexe que le modèle de 1937, malgré une longueur plus réduite de 53 ½" soit 136 cm.

 

 

 

A l’occasion du centenaire Meccano en 1999 un coffret spécial permettant de construire cette grue sera proposé aux Meccanophiles. Ce seront les couleurs anglaises qui seront choisies, c’est à dire le vert et le rouge.

 

 

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